Categories: marchespublics
      Date: May 26, 2014
     Title: Acheteurs publics : cap sur une exigence environnementale accrue

Jusqu’à présent, les marchés publics de travaux portaient des exigences contractuelles en rapport avec l’exécution de l’ouvrage et sa qualité.  Désormais, les directives européennes « marchés publics » permettent d’aller bien au-delà. L’acheteur public pourra intégrer des critères ou conditions à n’importe quel stade du cycle de vie de l’ouvrage. « Le nouveau paysage de la commande publique responsable » étant dessiné, ses contours ont été abordés lors d’une conférence organisée le 5 mai par le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES).

L’intégration d’exigences environnementales et sociales est au cœur de la politique des marchés publics, avec notamment l’adoption en cours du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire et la transposition prochaine des directives européennes « marchés publics »

A l’initiative du RTES, des experts, collectivités et associations se sont réunis le 5 mai afin de partager leur expérience quant à la prise en compte du développement durable dans la commande publique. Et, notamment, en matière environnementale.

« Une des nouveautés de la directive « marchés publics »  est de donner la possibilité au pouvoir adjudicateur d’intégrer la notion de cycle de vie dans les spécifications techniques (art. 42 de la directive), ou en tant que critère de choix du candidat (art. 67 et suivants) ou dans les conditions d’exécution du contrat », explique Guillaume Cantillon, expert en achat public durable. Pour rappel, la directive définit le « cycle de vie » comme l’ensemble des étapes successives et/ou interdépendantes de l’ouvrage ou du produit, liées à la recherche et au développement, à l’acquisition des matières premières, à la production, à la commercialisation, au transport, à l’utilisation, à la maintenance, à la remise en état, et à l’élimination (art. 2).

 

• Approche fondée sur le coût du cycle de vie

Selon la directive, l’acheteur public devra attribuer le marché au candidat proposant l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base du prix ou du coût, notamment selon une approche coût-efficacité, telle que celle du coût du cycle de vie (art. 67). Ce « coût du cycle de vie » (art. 68) peut couvrir les coûts supportés par le pouvoir adjudicateur ou d’autres utilisateurs liés à l’acquisition, à l’utilisation (consommation d’énergie et d’autres ressources par exemple), à la maintenance, et à la fin de vie (collecte et recyclage par exemple) de l’ouvrage.

Mais ce sont également les coûts imputés aux externalités environnementales pendant le cycle de vie de l’ouvrage, c’est-à-dire le coût des émissions de gaz à effet de serre, celui d’autres émissions polluantes ou celui de l’atténuation du changement climatique. « Concrètement, l’acheteur public pourra étendre ses exigences aux différentes étapes du cycle de vie de l’ouvrage, par exemple en s’intéressant aux performances environnementales de la chaîne de fabrication du bâtiment, à l’énergie grise contenue dans les matériaux de construction, et même à la provenance des matières premières », explique Guillaume Cantillon. En revanche, l’acheteur ne pourra pas avoir d’exigences non liées à l’objet du marché, et retenir des critères ou conditions tenant par exemple à une politique particulière de responsabilité sociale ou environnementale de l’entreprise (considérant 97 de la directive ; CJUE, 10 mai 2012, « Commission c/ Pays-Bas », n° C 368/10).

• Une plus-value environnementale soutenable

Interviewé par lemoniteur.fr en marge de la conférence, Guillaume Cantillon (tout juste nommé par Bercy président du groupe d’études des marchés relatif au développement durable ou GEM-DD), développe sa vision. « Il subsiste une incertitude quant aux outils à disposition des acheteurs pour l’utilisation de critères techniques ou de critères de choix tenant au cycle de vie. La directive renvoie d’ailleurs à la nécessité de développer des outils au niveau européen (considérant 96 de la directive), l’enjeu étant que l’acheteur public soit en mesure de contrôler les exigences qu’il pose ». Par ailleurs, ajoute l’expert, « n’oublions pas que les PME-TPE qui représentent la majorité des entreprises du bâtiment sont aussi celles qui répondent aux marchés publics de travaux locaux. Il ne faut donc pas occulter le risque pesant sur leur accès à la commande publique en tant que principales créatrices d’emplois dans le secteur. Le tout est de ne pas demander aux entreprises l’impossible ou quelque chose qui serait contre-productif. Une exigence posée dans les documents de marché doit donc être le point d’aboutissement d’une démarche de concertation et de dialogue avec les acteurs d’une filière. »

L’enjeu est ainsi, selon lui, de se mettre d’accord avec les parties prenantes sur un niveau d’exigence liée au cycle de vie du bâtiment (caractéristiques environnementales des matériaux de construction ; gestion des déchets de chantier ;  fin de vie du bâtiment ; etc.) en vue d’avoir une plus-value environnementale et soutenable pour les entreprises qui répondront aux futurs marchés. « Ce dialogue doit se faire très en amont des marchés, et ce, à deux niveaux. D’une part, au niveau national par l’Etat, notamment à travers ses groupes d’études de marchés, et le plan national d’action pour des achats publics durables actuellement en révision. D’autre part, au niveau des collectivités territoriales, soit de façon transversale avec les réseaux territoriaux « commande publique & développement durable », soit de façon sectorielle avec par exemple des plateformes faisant le lien avec les professionnels du secteur. »

Source : lemoniteur.fr